Rei ou le vent du changement. [Terminée]

J’ai hérité de l’entêtement de mon père. Il suffit que j’ai une idée en tête pour que le reste ne compte plus. Je n’abandonne jamais. Ce mot ne fait clairement pas parti de mon vocabulaire. Je déteste les lâches et j’ai horreur de ne pas contrôler les choses. De nature calme, j’aime la tranquillité par-dessus tout et je ne supporte pas qu’on me dérange dans ce genre de moment. Je peux paraître froid, peut-être même le suis-je un peu. Mais peut-on réellement me le reprocher après tout ce que j’ai vécu ? Non, bien sûr que non. Et que quelqu’un ose le faire. La peur et la rancœur m’ont forgé un caractère bien trempé dont je suis fière. Il n’est pas utile de préciser combien ma haine envers les vampires est sans limite. Je les hais. Mon sens du devoir se mélange souvent à mon désir de vengeance. J’avance sans jamais reculer. Toujours.

Les secrets. On en a tous forcément un. Petit ou gros, il y en a toujours un qui finit par naître au plus profond de votre conscience. Certains disparaissent avec le temps, tandis que d’autre deviennent trop lourds à porter. Pour ma part, j’ai l’impression d’avoir passé vingt quatre années emprisonné dans un trop grand secret. Mon existence se chuchote, se murmure. Un mirage ? Une illusion ? Un fantôme peut-être ? Non, je ne suis rien de tout ça. Et pourtant, enfermé dans cette pièce humide et trop étroite, je me donne l’image de quelqu’un qui n’est plus que l’ombre de lui-même. C’est étrange, surtout quand on sait les grandes choses que je suis amené à faire. Mais vous ne devez certainement pas comprendre… Une explication serait la bienvenue, non ? Pour commencer, laissez-moi vous ramener vingt quatre ans en arrière.

Je suis né un beau jour de printemps. Vous savez, cette charmante saison où les cerisiers sont en fleur. Ma mère, âgée de vingt deux ans à l’époque, est l’épouse d’un homme riche et célèbre. A la tête d’une des plus grosses compagnies informatiques qu’il puisse exister au Japon, mon père est alors le plus heureux des hommes. Mes premières années sur la terre se passent de la plus charmante des façons. Je suis certainement l’enfant le plus choyé de Tokyo. Mes parents m’aiment plus que de raison, et m’offrent tout ce dont j’ai besoin. J’apprends à marcher et à parler très rapidement. Le monde me fascine et chacun de mes gestes montrent mon impatience. Je suis curieux de tout et mon intelligence s’aiguise au fil des mois. Je suis l’enfant idéal, tout simplement. Et cette théorie ne fait que se renforcer quand j’entame ma scolarité. Un enfant prodige ? On s’en rapproche. Je suis la fierté de mon paternel, je fais la joie de ma tendre mère et mes instituteurs me prédisent un grand avenir. Si lire et écrire apaise mon esprit, c’est bien tout l’inverse quand on me met des chiffres et des problèmes sous le nez. Qu’importe le temps que je dois passer sur mes exercices, je ne m’arrête qu’une fois la solution trouvée. Les sciences et les mathématiques me plongent dans une euphorie sans pareil.Une de mes plus grandes passions est née.

Une passion grâce à laquelle j’aurai pu émerveiller mes parents… mais on ne m’en n’a jamais laissé l’occasion, ni même le temps. A l’aube de mes douze ans, le soleil ne s’est pas levé. Alors que je passais un nouveau cap, la terre elle, changeait du tout au tout. Ce que nous pensions ne jamais voir arriver se concrétisa plus rapidement que jamais. Les vampires, ceux que nous adorions voir sur nos écrans, ceux qui captivaient notre imagination ! Oui, ces vampires là… Ils se sont abattus sur le monde comme une traînée de cendre. Le cours du temps s’est inversé. Les hommes se sont retrouvés à l’état de proie. Du jour au lendemain, sans savoir pourquoi, on nous traqué tel des bêtes sauvages à éliminer pour le plaisir. La loi du plus fort ne fut jamais aussi présente. Nous avons passé quatre ans à nous terrer dans notre cave. Nos réserves touchèrent à leur fin, et mon père prit son courage à deux mains pour enfin sortir de la maison et trouver quelque chose susceptible de nous nourrir. Erreur qui lui fut fatale. Mon père n’est jamais revenu.

Ma tendre mère aurait pu se laisser mourir de chagrin. Mais elle n’en fit rien, me protégeant comme si je pouvais la sauver… J’aurais pu, mais le temps m’a manqué. Enfermé depuis trop longtemps, j’occupais mes journées à tout et n’importe quoi. Je faisais des expériences avec des produits d’entretiens, de la nourriture pourtant précieuse… Mon cerveau bouillonnait. Ma colère envers les créatures qui avaient tué mon père n’avait de cesse de croître, tandis que ma mère semblait de plus en plus faible.

Les choses auraient pu durer ainsi encore longtemps. Tout du moins jusqu’à ce que nous mourions de faim. Mais le destin en décida autrement. Un destin fourbe et cruel quand j’y repense. Alors que je dormais paisiblement entre les bras protecteurs de ma mère, celle-ci me réveilla brusquement et m’enferma dans un vieux coffre qui avait appartenu à mes arrières grands parents. Mes oreilles entendirent les pires choses qui puissent exister. Des cris, des hurlements, des craquements sonores. J’étais incapable de discerner autre chose. Au bout d’une heure peut-être, j’ai enfin osé sortir de ma cachette. Le spectacle qui m’attendait fut l’évènement le plus traumatisant de ma courte vie. Ma mère baignait dans son propre sang, ses yeux reflétant encore toute sa peur et à côté, une traînée de cendre répandue sur notre parquet. Je suis resté pleurer sa mort jusqu’aux premières lueurs de l’aube. Quand mes prunelles ont croisé les rayons, mes mains se sont rageusement refermées sur les cendres et je me suis enfui loin de la demeure qui m’avait vu grandir.

Les années ont passé, toutes plus sombres les unes que les autres. J’ai longtemps espéré qu’on viendrait nous sauver… C’était un espoir vain. Mon intelligence et ma vivacité d’esprit m’ont permis de survivre dans ce milieu hostile. J’ai trouvé refuge dans un laboratoire déserté, et j’ai décidé de mener à bien mon projet de vengeance. Qu’importe par quel moyen, je devais trouver la solution la plus radicale d’éliminer les vampires et de redonner aux hommes leur terre ! J’ai grandi, ma haine aussi, et c’est au bout de plusieurs années que j’obtins enfin le miracle tant attendu ! Je venais de créer un sérum capable d’éliminer nos pires prédateurs.

J’avais le remède, et il me manquait des hommes. Je savais que seul, mes efforts seraient vains. Alors, poussé par une motivation sans limite, je me mis à faire courir le bruit de la délivrance. En quelques semaines à peine, j’obtenais une véritable petite armée. Je devais bien évidemment décider de qui serait capable de se faire injecter mon sérum. Inutile de préciser que je n’ai pas besoin de mauviette. A mon service, uniquement des hommes motivés et au caractère bien trempé. Les gens qui s’engageaient dans son projet devaient être prêt à mourir. La règle d’or : Mourir plutôt que de révéler la clé de leur liberté. Organisé depuis quelques mois, nous avions repéré des allez venus fréquents de nos amis chauve souris. Régulièrement, un bateau accostait, puis repartait vers l’île d’Hateshinai. Selon les rumeurs, cette île aurait été baptisée comme le QG de leurs fervents ennemis. Décidé à tenter le tout pour le tout, je décidais donc d’embarquer à l’insu des vampires. Si les rumeurs disaient vrai, alors mes hommes devraient me rejoindre.

Tiens… Il semblerait que les choses bougent là haut. Les vampires s’agitent, je suppose donc que mon voyage touche enfin à son terme, mon récit aussi. La détermination qui m’habite est sans faille. Je le jure, je tuerai le mal à sa racine.